Associations en Lorraine : actrices engagées pour l’emploi et l’économie locale

22 juin 2025

Un panorama : le poids des associations dans l’économie lorraine

Le secteur associatif occupe une place singulière et méconnue dans l’économie de la Lorraine. Selon une enquête menée par l’INSEE en partenariat avec le Mouvement Associatif Grand Est (2021), on estime à près de 44 000 le nombre d’associations actives dans la région. Parmi celles-ci, plus de 10 700 emploient du personnel salarié, ce qui représente environ 55 000 emplois salariés, soit près de 8 % de l’emploi privé régional. Ces chiffres, loin d’être anecdotiques, attestent d’un écosystème dynamique, localement ancré, et dont l’influence économique n’est plus à prouver.

Ces emplois sont répartis dans des domaines aussi variés que la santé, le social, le sport, la culture, l’environnement ou encore l’insertion professionnelle. Les associations lorraines brillent par leur capacité à mailler le territoire, à proposer des réponses de proximité et à porter des innovations sociales dont beaucoup irriguent ensuite les politiques publiques.

Les typologies d’emplois associatifs en Lorraine

L’emploi associatif ne se limite pas au seul poste d’animateur sportif ou de médiateur culturel, souvent mis en avant. Il couvre une palette de métiers surprenante :

  • Le secteur médico-social (aides à domicile, éducateurs spécialisés, moniteurs-éducateurs, travailleurs sociaux…)
  • L’animation et l’éducation populaire (directeurs de centres, animateurs jeunesse, personnels administratifs…)
  • L’économie circulaire et solidaire (responsables d’atelier, encadrants d’insertion, vendeurs en ressourceries…)
  • Le spectacle vivant et la culture (techniciens son, chargés de production, communicants, médiateurs…)
  • Le sport (éducateurs sportifs, gestionnaires de structures, agents d’entretien…)

Selon le CRESS Grand Est (Panorama de l’économie sociale et solidaire, 2022), 84 % des associations employeuses de Lorraine comptent moins de 10 salariés, témoignant de la prépondérance des petites structures dans leur tissu économique. Pourtant, les grandes associations (au-delà de 50 salariés), souvent dans le secteur sanitaire & social, concentrent à elles seules près de 55 % des effectifs salariés associatifs.

Un levier d’inclusion et d’innovation sociale

Les associations ne se contentent pas de créer de l’emploi : elles accompagnent vers l’emploi, elles innovent dans les parcours d’insertion, elles sont laboratoire de nouvelles formes de travail et d’organisation. En Lorraine, les chantiers d’insertion portés par les structures de l’IAE (Insertion par l’Activité Économique) emploient et accompagnent près de 7 000 personnes par an en situations de réinsertion (Union Régionale des Structures d’IAE Grand Est, rapport 2022). Leur mission : permettre à des personnes fragilisées de retrouver un emploi durable, à travers le travail dans des associations relevant de nombreux secteurs (restauration, recyclerie, espaces verts, services à la personne).

L’émergence de nouvelles problématiques sociales a aussi conduit nombre d’associations lorraines à inventer des métiers en phase avec les enjeux du territoire : conseiller en mobilité, médiateur numérique, accompagnateur à la transition écologique... Autant de postes qui témoignent du rôle de l’associatif comme éclaireur des mutations économiques et sociales.

Les enjeux actuels de l’emploi associatif : fragilités et dynamiques

La difficulté du financement pérenne

En Lorraine comme ailleurs, l’emploi associatif affronte de fortes incertitudes en matière de financement. Une enquête de Recherches & Solidarités (Baromètre de la vie associative 2023) révèle ainsi que 62 % des employeurs associatifs lorrains citent la prévisibilité des ressources comme défi majeur. La multi-financiarisation (subventions, fonds européens, mécénat, recettes propres...) complexifie la gestion RH. Cette insécurité budgétaire impacte surtout la capacité à proposer des contrats longs, alors même que la demande de services associatifs continue de croître dans la population.

Un vivier d’emplois non délocalisables

La force de l’emploi associatif lorrain : être par nature ancré localement. Les postes créés répondent à des besoins de proximité : médiateurs dans les quartiers, animateurs ruraux, accompagnateurs de personnes âgées à domicile… Ces métiers favorisent l’aménagement du territoire et la vitalité des espaces ruraux, particulièrement nombreux dans le sud meusien, le pays de Sarrebourg ou les Vosges.

Selon le Conseil économique, social et environnemental régional du Grand Est (CESER, rapport 2023), 85 % des emplois associatifs sont “non délocalisables”, car structurels pour la cohésion sociale, éducative et sanitaire des territoires.

Des difficultés nouvelles de recrutement

Depuis 2021, nombre de structures témoignent de leurs difficultés à recruter, notamment dans les secteurs médico-sociaux, de l’animation, de l’insertion, ou encore dans le secteur du handicap. Les raisons sont multiples :

  • Rémunérations souvent moins attractives que dans le secteur privé marchand
  • Augmentation des exigences de qualification (notamment BAFA, DEASS, BPJEPS…)
  • Concurrence accrue du secteur privé sur certains métiers (ex : auxiliaires de vie sociale, éducateurs…)

Face à ces défis, des solutions émergent : mutualisation d’emplois entre structures via les groupements d’employeurs associatifs (GEA), recours aux dispositifs Service Civique ou Emploi d’Avenir, développement de la formation professionnelle en alternance (Apprentissage, ProA...).

Associations et développement du territoire : des retombées économiques et sociales concrètes

Au-delà de la création d’emplois, l’impact des associations lorraines sur l’économie régionale se lit aussi à travers plusieurs effets multiplicateurs :

  • Un effet d’entraînement sur l’économie locale : selon France Active Lorraine, chaque euro investi dans le secteur associatif local génère en moyenne 1,60 € de retombées économiques sur le territoire (emplois induits, achats de biens/services locaux).
  • Soutien à la revitalisation de centres-bourgs : de nombreuses associations s’implantent dans des petites villes dévitalisées et participent à garder des lieux ouverts (cafés associatifs, ressourceries, commerces solidaires), attirant jeunes actifs et emplois nouveaux.
  • Insertion des jeunes et primo-arrivants sur le marché du travail : l’engagement associatif est reconnu comme tremplin vers l’emploi, via la mise en réseau, la formation sur le terrain ou les expériences valorisantes sur un CV.

Une étude menée conjointement par l’Université de Lorraine et la CRESS Grand Est (2022) souligne que 64 % des emplois créés par les associations entre 2010 et 2020 l’ont été dans des zones rurale ou périurbaine, preuve de leur rôle moteur pour des bassins d’emploi souvent délaissés par le privé classique.

Portraits d’initiatives : focus sur des associations innovantes en Lorraine

Pour chaque réalité chiffrée, il existe des visages et des histoires :

  • "Le Relais Metz Métropole" : cette structure, spécialisée dans la collecte et la valorisation de textiles usagés, emploie plus de 80 salariés en insertion. Au-delà de la réintégration professionnelle, elle façonne toute une filière d’économie circulaire autour de Metz.
  • "Familles Rurales des Vosges" : implanté dans les villages du massif, ce réseau associatif est l’un des premiers employeurs associatifs du département (340 salariés), avec des activités allant de l’accueil périscolaire à l’aide à domicile.
  • "Les Petits Débrouillards Grand Est" : acteur majeur de l’éducation populaire scientifique, l’association emploie chaque année une trentaine de permanents ainsi que de nombreux jeunes en Service Civique. Elle propose des ateliers dans des zones urbaines prioritaires, favorisant ainsi l’inclusion et l’accès aux sciences pour tous.
  • "Ensemble Autrement" (Nancy) : impliquée dans l’aide alimentaire et l’insertion par l’activité économique, cette structure accompagne des personnes réfugiées et éloignées de l’emploi vers la formation professionnelle dans le secteur de la restauration.

Ces exemples sont le reflet d’une variété d’approches et d’innovations, façonnant chaque jour un marché du travail plus résilient et inclusif en Lorraine.

Perspectives : comment renforcer le rôle des associations dans l’emploi demain ?

  • Pérenniser les financements : allonger la durée des conventions avec les collectivités, faciliter la co-construction de projets d’emploi associatif multisectoriels, mieux reconnaître la plus-value sociale apportée.
  • Soutenir la formation et la montée en compétences : offrir des parcours professionnalisants attractifs, nouer des liens plus forts avec les centres de formation, développer la reconnaissance des acquis de l’expérience (VAE).
  • Favoriser l’interconnaissance entre associations et entreprises : créer des passerelles, encourager les groupements d’employeurs, promouvoir les expériences partagées de gestion RH.
  • Valoriser l'engagement bénévole comme tremplin vers l'emploi : aider les associations à mieux reconnaître l’expérience bénévole et à la traduire dans un parcours d’insertion ou de reconversion.

Face aux mutations du marché de l’emploi, le secteur associatif en Lorraine apparaît plus que jamais comme un pilier économique, mais aussi comme un réservoir d’innovation sociale, un facilitateur de transitions professionnelles et un acteur majeur de l’aménagement du territoire.

Pour toutes celles et ceux qui s’engagent, soutiennent, ou simplement s’interrogent sur la capacité des associations à changer la donne localement, il y a là matière à s’inspirer – et à construire, chaque jour, une Lorraine plus solidaire, plus inclusive et plus forte.